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Les états modifiés de conscience

Notre cerveau est capable de modifier notre état de conscience, ce qui peut être la clé vers une connaissance plus profonde de nous et du monde qui nous entoure.

C’est cet extension de notre connaissance qui peut être profondément thérapeutique.



Qu’est-ce que la conscience ?


La conscience est difficile à cerner. Des scientifiques se sont penchés sur la question , en particulier Antonio Damasio qui, dans son livre "L’autre moi-même ", définit la conscience comme "un état de l’esprit dans lequel intervient une connaissance de notre existence et de celle de ce qui nous entoure". William James, lui, considérait la conscience non comme une perception figée, mais plutôt comme un processus, comme un flux. Selon lui, il y a des "états transitifs" de la pensée, ceux où elle coule sans que l’on ne s’y accroche, et des "états substantifs" qui seraient comme des points d’arrêt où l’attention se focalise.


La conscience se vit en effet à travers des états, ce que l’on appelle les états de conscience :


Il y a ce que l’on appelle l’état "normal" (ordinaire) de conscience, des états "altérés" (par des maladies, des traumatismes…), des "états modifiés" (par des psychotropes ou des activités particulières telles que l’hypnose, la transe, la méditation…). Ces états sont transitoires.


L’état "normal" de conscience est l’état de référence, celui que nous connaissons habituellement, dans lequel nous fonctionnons pour la vie quotidienne. Il est cependant notable que tout au long de notre quotidien, nous connaissons des états altérés de conscience, des "rêveries", et chaque nuit, notre conscience se relâche et des rêves se produisent, qui s’introduisent plus ou moins dans celle-ci lorsque nous nous réveillons.

On ne fonctionne en fait que très peu en mode conscient. Tout au long de la journée, nous nous laissons aller à cet état un peu flottant qui permet à notre esprit d’aller puiser des ressources pour pouvoir de nouveau mobiliser les capacités cognitives nécessaires à nos tâches. C’est que le maintien de l’attention demande beaucoup d’énergie !


Les états modifiés de conscience sont parfois qualifiés de transes. Ils étaient bien connus des cultures anciennes et aborigènes, qui les provoquaient par diverses manières (le chant, la respiration, les battements de tambour, le jeûne, la douleur physique extrême, certaines plantes, etc.). Différents auteurs (entre autres, le psychiatre Stanislas Grof, l’ethnologue Georges Lapassade) se sont penchés sur ces états, et ils semblent décrire des phénomènes similaires : changements perceptuels, sensation de dérèglement du fonctionnement habituel de la conscience, autre rapport au monde et à soi, émotions intenses. Il est noté que pendant ces états, l’activité électrique des deux hémisphères cérébraux se synchronisent, comme s’ils tentaient de s’harmoniser l’un l’autre pour obtenir un rythme unique et cohérent. Le cerveau gauche, habituellement dominant, "lâche du lest" alors que le cerveau droit "se réveille", devient plus actif. Les deux activités, habituellement déséquilibrées, s’accordent. D’ailleurs, on observe lors de ces états modifiés de conscience, une suractivation du corps calleux, qui gère la liaison entre les hémisphères gauche et droit du cerveau. Il est également noté une modification de la physiologie des neurotransmetteurs, allant en général dans le sens d’un moindre filtrage et/ou une activation des perceptions sensorielles et d’une inhibition du cortex.




Les ondes cérébrales et l’état de conscience



Par ailleurs, diverses études ont été réalisées sur la fréquence des ondes qu’émet un cerveau selon ses états de conscience, grâce à l’électro-encéphalogramme (EEG).

Grâce à elles, nous pourrions dire que l’état "normal" de conscience dans lequel nous sommes dans la vie quotidienne, disons l’état basal, est celui qui correspond aux ondes Bêta.

Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques des différentes ondes observées par l’EEG. A chaque onde correspond un état de conscience particulier.

Précisions que quand on fait référence à un certain type d’ondes cérébrales, on sous-entend qu’elle est dominante , les cinq types d’ondes pouvant être enregistrées en même temps tout au long de la journée.




L'hypnose


L’hypnose est un état de conscience qui implique une attention focalisée et une conscience périphérique réduite caractérisée par une capacité accrue de réponse aux suggestions, dans lequel la personne expérimente des changements dans ses sensations, ses perceptions, ses pensées ou son comportement.

En hypnose, les ondes cérébrales suivantes peuvent être observées :

A la fermeture des paupières, le cerveau va passer progressivement des ondes Bêta aux ondes Alpha, permettant une transe hypnotique légère ou moyenne avec la présence d’images, de sons, de sensations diverses, de réminiscence, de souvenirs… C’est l’état dans lequel on va travailler en auto-hypnose lors de la psychanalyse férenczienne.


En hypnose thérapeutique, il est également utilisé une transe plus profonde, celle correspondant aux ondes Thêta, où on ne ressent presque plus de sensations (visuelle, auditive, kinesthésique…), seulement un bien-être profond. Cette zone correspond à la zone d’insensibilité à la douleur utilisée pour les anesthésies en hypnose et au sommeil hypnotique. Cet état en général provoque une amnésie de la transe hypnotique. Atteindre ce niveau de transe demande en général un bon entraînement à l’hypnose.






La psychophanie




La psychophanie est une méthode de communication en reliance, qui se pratique à deux : la personne qui s’exprime (le facilité) et celle qui le soutient (le facilitant). Le facilitant s’installe à côté de la personne facilitée et lui soutient la main pour écrire sur un clavier. Ainsi peut s’exprimer une part non-consciente du facilité et permettre des prises de conscience et une meilleure compréhension de soi.


Cette expression de soi ne peut se faire que par l’intermédiaire d’une personne formée qui se met dans un état de conscience modifiée pour effacer toute intervention personnelle et se mettre à la disposition de l’inconscient du facilité.


Il n’existe pour le moment pas d’études étudiant la fréquence qu’émet le cerveau lors d’une psychophanie. La seule étude scientifique dont j’ai connaissance à propos de la psychophanie est celle d’un enregistrement cérébral d’une séance de psychophanie pratiquée par Anne-Marguerite Vexiau grâce au Professeur Haffelder et qui montre la synchronisation du cerveau gauche du facilitant (siège de la pensée verbale et de la connexion avec la réalité quotidienne) avec le cerveau droit du facilité (siège de la pensée non verbale, globale, intemporelle et de la créativité), mais il n’y a alors pas eu d’enregistrement des fréquences émises par les cerveaux.


Le facilitant se met dans un état modifié de conscience pour lâcher les informations qui lui viennent de lui, et se mettre en état de réceptivité des vibrations et énergies du facilité. Il a cependant besoin de garder un certain socle de conscience cérébrale pour pouvoir accompagner l’écriture. On peut supposer que son cerveau émet alors des ondes Alpha.





La transe chamanique


La transe chamanique est pratiquée depuis longtemps dans de nombreux endroits du monde. C’est une transe volontaire et auto-induite, généralement provoquée par le battement d’un tambour.

Grâce à Corine Sombrun, nous avons une certaine connaissance de ce qui se passe au niveau cérébral lors de cette transe. Corine Sombrun a écrit "La diagonale de la joie" dont a été tiré le livre "Un monde plus grand". Lors du tournage d’un reportage en Mongolie sur les rituels chamaniques en 2001, celle-ci fait l’expérience de la transe pendant un rituel traditionnel. La chamane alors présente l’invite alors à suivre un apprentissage, ce qu’elle fait pendant 8 ans. Elle a ensuite contribué à faire étudier de façon scientifique ce qui se passe dans le cerveau lors de la transe, et pour cela a développé un état de transe par auto-induction.

Ainsi, nous savons que la transe auto-induite provoque des modifications des ondes bêta et delta, entraîne une altération de l’organisation neuro-physiologique dans l’hémisphère droit et une modification de la connectivité entre les deux hémisphères via le corps calleux.





La méditation


L’observation des ondes émises par le cerveau va être différente selon qu’il s’agit de méditants débutants ou confirmés.


La méditation entraine un état de conscience modifié caractérisé par une altération de la représentation du temps, de l’espace et du corps et permet une concentration sur l’expérience intérieure.

Lorsque l’on commence la méditation, les ondes Alpha augmentent. La production de ces ondes aide à amorcer volontairement la phase de repos et de relaxation.


Au fur et à mesure de la pratique, ce sont les ondes Thêta qui prennent le relai sur les ondes Bêta habituelles. Cela est d’autant plus visible chez les méditants confirmés.

Chez les "super-méditants" (les caïds de la méditation !), on observe aussi des ondes Delta, marquant des états transcendantaux profonds.






Ce que nous apportent les états modifiés de conscience




Dès l’antiquité grecque classique, l’induction d’un état de conscience modifié dans un objectif psychothérapeutique est observé au travers de deux pratiques : d’une part le rite bacchanale dionysiaque qui vise "l’ecstatis" qui est une forme de transe visant l’enthousiasme, d’autre part, le Asclépiion, issu du culte d’Asclépios et induit par des médicaments ou des suggestions, qui allie pratique spirituelle et transe en permettant aux sujets d’accéder à des révélations divines.


Les états de conscience modifiés sont utilisés de part le monde depuis des millénaires. Les pratiques chamaniques de toutes sortes permettaient (et permettent toujours) d’accéder à une connaissance transcendantale permettant d’accéder à des techniques de soins et de guérison.


Plus proche de nous, la psychologie transpersonnelle s’est également beaucoup intéressée à ces états modifiés de conscience. La psychologie transpersonnelle est un courant de psychologie qui a vu le jour au début des années 1970 et dont les représentants les plus connus sont Abraham Maslow (à l’origine de la psychologie humaniste) et Stanislas Grof (connu pour sa méthode de respiration holotropique). La perspective transpersonnelle couvre de nombreux intérêts de recherche : spiritualité, religions, méditation, chamanisme, psychédéliques, parapsychologie, expérience de mort imminente, psychothérapie, thérapies des vies antérieures, etc.

Ce qui est intéressant dans ces différentes perspectives est le fait que l’accès à ce qui nous soigne et nous guérit est accessible par un changement de notre état de conscience. Nous avons en nous les ressources pour guérir.

C’est comme si nous savions, profondément, intimement, ce qui était bon pour nous et nous permettait d’avancer dans la vie. C’est le fameux "guérisseur intérieur" que pointait Stanislas Grof : il avait remarqué que lors de ces états modifiés de conscience, une sorte de radar intérieur amenait automatiquement à la conscience les contenus de l’inconscient possédant la plus forte charge émotionnelle, ceux qui sont les plus pertinents dans l’instant d’un point de vue psychodynamique, et qui sont prêts à être traités au cours de la séance spécifique se présentant.


Dans ce concept de guérisseur intérieur, il y a deux sous-concepts :

1°) le contenu du souvenir, de l’émotion, de la prise de conscience

2°) l’aspect temporel


Ce deuxième aspect a tout autant sa place que le premier. Il s’agit d’être prêt à accueillir ce qui va se présenter. Il ne servira à rien d’être confronté à un souvenir traumatique violent si l’on n’est pas prêt psychiquement à le recevoir, ni si dans l’environnement immédiat, un professionnel n’est pas là pour accompagner ce revécu.


Mais il est bien sûr également important d’avoir accès au premier. C’est la personne, et elle seule, qui a les clés pour se soigner. Le thérapeute ne peut que l’accompagner, mais il ne peut pas la forcer à déverrouiller ses portes intérieures. L’accès au souvenir traumatique a souvent été empêché par un moyen de défense psychique, et il convient de respecter ce système de protection, dans tous les cas. Il a sa raison d’être. Lorsque l’accès devient possible, si les circonstances sont favorables, cela ouvre la voie à la guérison.





La transe, qu’elle soit méditative, chamanique, hypnotique, ouvre l’accès aux mondes de connaissance qui sont là, à notre disposition.






Luce Barrault

Juillet 2023

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