Le transgénérationnel pourrait se définir comme étant le lien psychique inconscient qui nous lie à nos ancêtres.
De la même façon qu’un événement traumatique de notre enfance va impacter notre vie adulte tant qu’il n’aura pas été traité en thérapie, un évènement qui s’est déroulé dans une famille il y a une ou plusieurs générations peut influencer la vie des descendants de façon parfois importante et souvent insoupçonnée.
L’inconscient existe à tous les niveaux : Freud a beaucoup travaillé autour de l’inconscient personnel, Jung a découvert l’inconscient collectif, Ferenczi a étudié l’inconscient biologique (dans son livre "Thalassa"). L’inconscient familial, tel qu’exploré par la psychogénéalogie, a été mis au jour par les travaux d’Anne Ancelin-Schützenberger, auteure de l’ouvrage de référence "Aïe mes aïeux".
Comment agit la psychogénéalogie ?
L’enjeu de la thérapie psychogénéalogique est de permettre à la personne de se libérer du poids de sa lignée. Ici comme ailleurs, quelle que soit l’échelle à laquelle on se réfère, l’idée est que lorsque l’inconscient devient conscient, il perd son effet délétère. Autrement dit : si l’on accepte d’entendre ce que l’inconscient a à nous dire, alors, les symptômes n’ont plus de raison d’être.
La psychogénéalogie va aller explorer le passé familial afin de comprendre son influence et retrouver cette liberté d’être soi-même.
Pour cela, il va falloir faire tout un travail de plongée dans les racines de son arbre généalogique. Peut-être va-t-on pouvoir découvrir ce que l’on appelle des "secrets de famille" ? C’est qu’il est bien rare que dans une lignée familiale il n’y ait pas eu des non-dits, des secrets, des traumatismes, des maladies, des viols, des suicides, des terreurs de guerre, des avortements, des incestes, des abandons, des conflits, de l’alcoolisme… ( la liste n’est pas exhaustive). Ces faits différents événements peuvent hélas avoir des impacts dans la vie des descendants, de façon complètement inconsciente car souvent ils ne sont pas connus par eux.
Et même, au-delà des événements proprement dits, on sait bien que la lignée familiale nous influence, positivement ou négativement, dans de nombreux domaines. Chaque famille est régie par un système de croyances conscientes et inconscientes. Des valeurs, des schémas et des lois définissent les liens, les droits, les devoirs conditionnés par l’histoire familiale...
Ainsi sont conditionnées nos façons de fonctionner, nos traits de caractère, nos schémas de pensées, notre relation aux autres, nos comportements, notre vie professionnelle, notre sexualité, notre couple, notre parentalité, notre relation à l’argent, notre santé...
Il s’agit d’une sorte de loyauté inconsciente à laquelle nous obéissons aveuglément et qui nous empêche de vivre notre vie en toute liberté.
Grâce à la psychogénéalogie, on va pouvoir s’affranchir de tout ce poids familial inconscient.
Le génogramme (ou génosociogramme)
C’est l’outil de base de la psychogénéalogie. Il s’agit d’une représentation graphique de la famille sur plusieurs générations .
On y mentionne les faits de vie importants vécus par les membres des lignées maternelle et paternelle : dates, prénoms, lieux de vie, rapport à l’argent, maladies, métiers, etc. Il tient compte également du contexte culturel, historique, sociologique de la famille.
Pour cela, il va falloir partir à la chasse aux renseignements. Tout est bon : questionnements auprès des proches, recherches dans les livrets de famille, les registres dans les mairies, voire les sites de généalogie, parfois même des visites dans les cimetières, etc.
Grâce au génosociogramme, beaucoup de "coïncidences" peuvent être décryptées.
Les concepts de la psychogénéalogie
Un certain nombre de concepts ont été élaborés par cette discipline :
Le syndrome anniversaire
«Le syndrome d’anniversaire, c’est une répétition d’un événement familial passé, généralement traumatique, connu et parfois oublié, ou inconnu (inconscient), et qui fragilise les descendants à certaines périodes ou à certains âges spécifiques » explique Anne Ancelin Schützenberger dans son livre Transmissions.
Cela est particulièrement visible pour les dates de déclenchement de maladies (en particulier les cancers) mais aussi pour les ruptures dans les couples, les accidents, les faillites, les suicides...
Les loyautés familiales
Il existe aussi bien des loyautés familiales visibles (rester dans les mêmes traditions, le même milieu socio-professionnel, le même courant politique, etc., que ses parents et grands-parents) que d’autres invisibles, c’est-à-dire une obligation indiscernable qui va régir les descendants d’un ancêtre(ou plusieurs)qui a connu des traumatismes. Ces loyautés ont pour conséquence le fait de porter des "dettes invisibles" et de tenter de les assumer.
Ces loyautés peuvent concerner :
- le champ professionnel : ce peut être un métier, pratiqué de génération en génération, provenant d’une faute ou d’un accident qui n’a pu se réparer ou se résoudre en tant voulu.
Exemple : devenir médecin de père en fils depuis 3 générations car l’arrière grand père avait été, accidentellement, à l’origine de la mort d’un voisin qu’il n’avait pu réanimer (ne disposant pas des compétences).
Cela peut aussi être "l’obligation" de faire faillite au même âge que son père et son grand-père.
- le champ social : la loyauté peut prendre la forme d’une obligation familiale à s’occuper des autres (au travers d’associations, d’une préoccupation permanente de gens que l'on ne connaît pas). De fait, chaque membre de la famille intègre inconsciemment cette injonction, sans en connaître les origines, et continue à alimenter une problématique qui remonte parfois à de nombreuses générations. On peut imaginer, pour ce dernier cas, que cela puisse venir répondre au fait qu’un des membres de la famille ait pu, d’une façon ou d’une autre, faire du mal à autrui. Exemple : un ancêtre était porteur d’une maladie mortelle et contagieuse telle que la tuberculose et l'a (involontairement) transmise à d'autres personnes extérieures à la famille de l'époque.
- le champ familial : Par exemple, avoir son premier enfant à 16 ans comme sa mère et sa grand-mère, se marier sans amour, avoir un certain nombre d’enfants, faire plusieurs fausses couches après le deuxième enfant, etc.
Le syndrome du gisant
Il s’agit d’une dynamique de réparation transgénérationnelle à la suite d’un drame familial de type décès prématuré, insupportable, « non admis », et ses répercussions généalogiques sur plusieurs générations pouvant aboutir à des conséquences médicales, psychologiques ou psychiatriques.
Lorsqu’une personne souffre de ce syndrome, c’est comme si sa vie ne lui appartenait pas. En quelque sorte, elle vit à la place de la personne décédée prématurément, elle est un « enfant de remplacement ».
La crypte et le fantôme
Le concept de la crypte et du fantôme est issu des travaux de Nicolas Abraham et Maria Törok, héritiers de ceux de Ferenczi.
Le "fantôme" représentait, à l’origine de son concept, le secret inavouable d’un autre (bâtardise, inceste, criminalité...). Il a été étendu à tout ce qui peut faire trauma non surmonté, relation souffrante, deuil non fait. C’est une image, bien sûr, comme celle de la crypte. La "crypte" représente une dimension de soi où rien ne fonctionne, comme un endroit obscur où se consume toute notre énergie. Dans cet endroit pourrait se trouver un "fantôme", c’est-à-dire un ancêtre qui est comme passé à côté de sa vie.
Le fantôme transgénérationnel ou "travail du fantôme dans l’inconscient" désigne les effets des secrets de famille à travers les générations précédentes. Lorsque l’on parle de secret de famille, il s’agit des non-dits : un fait, un trauma, qui a engendré de la honte et de la culpabilité et se transmet à travers les générations.
Les constellations familiales
Les constellations familiales ont été créées dans les années 90 par Bert Hellinger. C’est une méthode de thérapie familiale transgénérationnelle basée sur la mise à jour de l’inconscient familial par le biais de jeux de rôles et de psychodrames.
L’objectif de cette thérapie brève est de rétablir l'ordre dans le système familial.
En pratique celui qui fait sa constellation (le "constellé") pose sa problématique puis choisit dans le groupe des représentants des membres de sa famille, morts ou vivants, ainsi éventuellement que des représentants ces symboles liées à son problème (travail, argent, maladie, projet, secrets…). Les représentants se laissent alors guider par leurs ressentis et par les mouvements qui s’inscrivent en eux ; ils peuvent aussi exprimer des émotions. Le constellateur peut intervenir lorsqu’il juge la situation bloquée ou qu’il est nécessaire de faire entrer un autre représentant. Le processus de transformation fait ainsi son chemin et le « constellé » reprend sa place dans la constellation afin de comprendre profondément ce qui s’est exprimé ainsi.
Ainsi, des identifications avec des ascendants peuvent être résolues et dépassées. Des secrets, des relations cachées, des traumatismes tus, peuvent se révéler.
La psychothérapie
Les données de la psychogénéalogie sont particulièrement riches lors d’une psychothérapie.
La confection du génosociogramme permet de donner du sens et du relief à l’histoire familiale.
En se penchant sur l’histoire de ses ancêtres, la personne plonge au cœur de ses racines, au cœur de lui-même.
Il est de plus possible d’ainsi remonter à la source d’hier un symptôme d’aujourd’hui, de lui donner du sens, et d’ainsi le dépasser.
Il est bien sûr important d’accompagner ce travail de façon à ce qu’il s’intègre dans la vie actuelle de la personne. Il convient de pouvoir différencier les deux sortes de traumas : ceux qui sont personnels et ceux des ancêtres du patient qu’il porte en lui, afin de pouvoir s’apaiser et rendre à ces ancêtres ce qui leur appartient.
L’objectif de ce travail est de retrouver la liberté d’être soi-même, libéré du poids transmis par les aïeux.
Luce Barrault
Juin 2023
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