Le rêve
- lucebarrault
- 22 mars 2023
- 10 min de lecture

Le rêve, définitions
Le rêve peut avoir plusieurs significations.
Il peut représenter un désir, ce à quoi nous aspirons le plus au monde, un objectif plus ou moins réalisable, une façon de projeter positivement son futur. Par exemple, « mon rêve, ce serait de faire le tour du monde sur un voilier »… (ce qui n’est pas mon cas, j’ai le mal de mer!!)
Le rêve peut aussi être l’ensemble des phénomènes psychiques qui se produisent pendant le sommeil, une succession d’images et de sons qui produit une sorte de film, nocturne le plus souvent.
Il existe aussi ce que l’on appelle les « rêves éveillés ». En dehors de la méthode thérapeutique elle-même, c’est simplement une forme de rêverie, que tout un chacun connaît. L’esprit vagabonde, en état de conscience légèrement modifié… On laisse tomber le mental tout en restant conscient, et c’est l’imagination qui prend le relai.
Dans cet article, nous allons parler principalement des rêves nocturnes.
Comment faisons nous les rêves nocturnes ?
L’essentiel des rêves d’une nuit apparaissent durant une phase de sommeil très particulière nommée sommeil paradoxal. En fait, nous rêvons aussi en période de sommeil lent, mais les rêves dont nous nous souvenons, avec des scenarios aboutis et des émotions intenses, sont issus du sommeil paradoxal.
Le sommeil paradoxal a été nommé ainsi parce qu’on a l’impression que le corps est paralysé (à l’exception du visage) alors que l’activité cérébrale est similaire à celle de l’éveil.
Les cycles de notre sommeil durent environ quatre-vingt-dix minutes. Chaque cycle est composé d’environ 75 % de sommeil lent (de léger à profond) et de 25 % de sommeil paradoxal. Cela signifie donc que nous rêvons environ 20 mn par cycle. Pendant une nuit de 8 heures nous rêverions donc entre 1h30 et 2 heures. Mais nous sommes loin nous rappeler d’autant!!
Pendant le sommeil paradoxal, certaines zones cérébrales restent peu active. C’est le cas du cortex préfrontal, qui permet de prendre des décisions logiques – cela peut expliquer le fait que les scenarios de nos rêves ne se déroulent souvent pas de façon linéaire, ordonnée.
Le cortex visuel primaire, qui analyse les informations venant de la rétine, est aussi au repos – aucune image claire ne parvient au cerveau mais il continue d’en créer lui-même. C’est le cortex visuel associatif, producteur d’images, qui prend le relai. L’amygdale et le cortex cingulaire, chargés des émotions, ont aussi une activité importante (ils sont jusqu’à 30 % plus actifs en sommeil paradoxal qu’en période d’éveil).
Mais où se trouve le centre de commande des rêves ? Il est possible que ce soit le tronc cérébral qui enverrait des ondes stimulant les voies et régions visuelles du cerveau
Les rêves nocturnes semblent complètement coupés de la réalité extérieure du rêveur, et pourtant, un stimulus sur quatre s’incorpore aux songes (eau, bruit, lumière, odeur, etc.).

Les différentes sortes de rêves nocturnes
Les types de rêves les plus courants sont:
Les rêves typiques sont ceux qu’une grande partie de la population fait au moins une fois dans sa vie. Même si le rêve est une expérience personnelle et qu’il existe une grande variété de contenus de rêve, il y a des thèmes universels. Ce sont, par exemple, les rêves où le dormeur fait une chute, vole, perd ses dents, a des relations sexuelles ou est pourchassé. Les chercheurs ont établi que ces thèmes typiques existaient dans toutes les cultures et faisaient partie de l’expérience onirique de l’humanité depuis des millénaires.
Les cauchemars sont les rêves qui déclenchent les émotions négatives les plus intenses, souvent à tel point que le rêveur se réveille et a de la difficulté à se rendormir, ce qui peut affecter la durée et la qualité de son sommeil. De ce fait, les cauchemars fréquents peuvent avoir un impact négatif sur la vie diurne. Bien que la peur soit l’émotion la plus régulièrement éprouvée dans les cauchemars, ceux-ci peuvent susciter d’autres émotions négatives intenses, comme la tristesse, le sentiment d’impuissance, la confusion, la culpabilité et le dégoût. Les scénarios cauchemardesques concernent en général le thème de la mort et les menaces physiques ou psychologiques. Les cauchemars sont le plus fréquemment observés lors de l’enfance ou en association avec un traumatisme suite à un accident de voiture ou à des événements en lien avec la guerre, par exemple.
Les rêves récurrents sont ceux que l’on fait à maintes reprises sur de longues périodes, des mois, des années ou même des décennies. Ces rêves peuvent être une expérience pénible ou agréable, mais ils se caractérisent par un contenu identique, malgré leur chronicité.
Les rêves lucides sont ceux dans lesquels le dormeur prend conscience qu’il rêve. Certains dormeurs sont capables de maîtriser ce qui se passe dans leurs rêves. Cette aptitude peut s’apprendre et s’exercer.
Les fonctions du rêve
La question la plus fréquente au sujet des rêves est sans doute : « Pourquoi rêve-t-on? ». Sans doute n’existe-t-il pas une réponse unique, et ce d’autant plus qu’on l’aborde selon l’angle scientifique ou selon l’angle psychologique.
Au niveau biologique, la recherche scientifique a émis de nombreuses hypothèses, sans qu’aucune réponse catégorique n’ait pu être posée. Parmi celles-ci, nous pouvons évoquer : la consolidation de la mémoire, la régulation des émotions, la résolution de problèmes… Le rêve permet d’imaginer des situations sans être confronté aux dangers de la réalité, ce qui fait que l’on peut « essayer » des solutions à ces situations dans la sécurité du sommeil. Les chercheurs se sont également posés la question : et si les rêves n’avaient aucune fonction biologique en soi ? Il a été prouvé que le sommeil avait une fonction importante, mais le rêve ne pourrait être qu’un épiphénomène.
La conclusion de l’article scientifique où j’ai puisé ces renseignements (https://dormezladessuscanada.ca/tout-sur-le-sommeil/le-pourquoi-et-le-comment-des-reves/) est : « Il est important de garder à l’esprit que, quelle que soit la fonction des rêves, le cerveau l’exécute, qu’on se souvienne ou non de ses rêves. Par conséquent, il est fort probable que la fonction biologique des rêves ne dépende pas de la capacité que l’on a à se rappeler de nos rêves. Si c’était le cas, ce serait une perte de temps colossale puisque la majorité des rêves tombe dans l’oubli! »
Sans doute, effectivement, la fonction biologique du rêve ne dépend effectivement pas du fait qu’on se le remémore ou pas, mais la fonction psychologique ???
Au niveau psychologique, de nombreuses thèses ont été avancées. Toutes ont en commun de reconnaître que se rappeler de ses rêves est un atout. Néanmoins, sur ce thème comme sur bien d’autres, tous les auteurs ne sont pas d’accord sur les fonctions du rêve.
Je ne fais référence ici qu’à quelques-uns de ces auteurs :

Freud fait du rêve l'expression d'un désir et le gardien du sommeil. Pour lui, le rêve avait pour fonction de satisfaire le rêveur afin que celui-ci ne se réveille pas. Les images oniriques (contenu manifeste) seraient l’expression de désirs déguisés, de désirs refoulés et donc inconscients (contenu latent), qui s’accomplissent dans le rêve sans danger. Il affirmait que le rêve était la « voie royale » pour avoir accès à l’inconscient, et s’intéressait beaucoup à l’interprétation de ceux-ci. Celle-ci ne pouvait se faire que par le rêveur lui-même via les associations d’idées.

Pour Jung, la fonction générale des rêves serait plutôt de contribuer à notre équilibre psychique. Le rêve décrirait la situation intérieure du rêveur : c’est son inconscient qui s’exprimerait à travers lui – sous forme symbolique, bien sûr. Le rêve est aussi le lieu de transformation de la personnalité et la voie vers ce que Jung appelle l’individuation (l’individuation est le processus de formation vers un individu complet, c’est-à-dire, selon les termes mêmes de Jung, « une unité autonome et indivisible, une totalité », conscient et inconscient unis). Le rêve agit ainsi comme un œil vigilant et impartial qui peut nous guider, nous rappelant sans cesse à notre nature fondamentale et nous évitant de nous égarer sur des chemins qui ne seraient pas ceux de notre véritable personnalité.
Ceci dit, pour Jung, les rêves ouvrent sur un univers beaucoup plus vaste qu’il nomme l’inconscient collectif. Les images du rêve sont une suite d’archétypes et de symboles précis qui exercent une influence très forte sur le psychisme. Les archétypes contiennent une énergie extrêmement puissante propre à chacun d’eux. Même si le rêveur n’est pas capable de comprendre leur contenu, les symboles utilisés sont communs à l’humanité et possèdent une énergie préexistant au moi ou à la conscience. Pour Jung, l’interprétation du rêve sera toujours en deçà de sa véritable portée.

Ferenczi, lui, a développé ce qu’il appelle "la fonction traumatolytique du rêve". Pour lui, certains rêves avaient pour finalité spécifique la résolution des traumatismes vécus. Ferenczi a beaucoup travaillé sur les traumatismes, en particulier ceux de l’enfance. Pour lui, ce terme désigne non seulement les violences physiques, voire sexuelles, mais aussi toutes les vexations, humiliations, injustices, que les parents (ou les adultes en général) font subir aux enfants. Ce qui définit le traumatisme, ce n’est pas tant l’événement en soi que son incidence sur le sujet. Ce sont parfois des événements qui paraissent anodins aux personnes alentours, et que l’adulte peut avoir tendance à minimiser (« tu ne vas pas faire une histoire pour ça ? »), ce qui force l’enfant à nier son ressenti et à ne plus lui faire confiance.
Pour Ferenczi, tout rêve, même le plus déplaisant, est une tentative d’amener des événements traumatiques à une résolution et à une maîtrise psychique meilleure. Après un choc traumatique se mettrait en place un processus spontané de résolution de la commotion traumatogène par le rêve qui reproduirait symboliquement l’événement d’une façon moins dramatique, afin de soulager un peu la tension psychique accumulée.
L’activité onirique pourrait ainsi être comprise comme un travail de réparation de souffrances extrêmes dans un but d’auto-guérison. Cela pourrait expliquer que les cauchemars faits pendant l’enfance, souvent nombreux, s’affaiblissent voire disparaissent par la suite (quand l’impact traumatique a été aboli), et qu’une personne ayant traversé une situation traumatique revive fréquemment cette situation (ou sa traduction fantasmée) durant ses rêves .
La fonction métaphysique, spirituelle, du rêve est également évoquée, et ce depuis des millénaires.
Pour les Anciens, Grecs et Romains, les rêves étaient considérés comme un mode de divination, au même titre que les présages et les oracles. Par eux, les Dieux faisaient passer un message aux hommes : ils manifestaient leur volonté, leur montraient comment les satisfaire, les rendre bien intentionnés à leurs égards, leur donner éventuellement des avertissements pour éviter qu’ils n’obéissent pas.
Dans l’Ancien et le Nouveau Testament, il est souvent fait référence aux songes et aux visions prophétiques. Là encore, le rêve est un instrument privilégié du divin pour communiquer avec les hommes.
Encore aujourd’hui, certains voient dans les rêves des messages en provenances d’instances spirituelles supérieures, anges gardiens, archanges, voire maîtres ascensionnées ou Dieu lui-même.
Dans les pratiques chamaniques, le rêve est très important.
Certains peuples ont la vision suivante : l’homme porte en lui une sorte de double, une âme-esprit qui habite et anime le corps. Ce double (cette âme) peut abandonner un temps le corps et partir en voyage, en particulier pendant le sommeil.
Il est dit ainsi qu'il peut être dangereux que le dormeur soit réveillé subitement lorsque son âme est au loin ; elle aura alors du mal à réintégrer son corps. En fait, il ne s’agit souvent pas de l’âme toute entière qui ne réintégrerait pas le corps (sinon le corps ne pourrait pas bouger), mais des parties de son âme seraient ainsi perdues. C'est alors le travail du chamane que d'aller à la recherche de ces "bouts d'âme" égarés.
Pendant ce voyage rêvé, toutes sortes d’aventures peuvent se produire : des rencontres, bénéfiques ou maléfiques, peuvent avoir lieu, des conseils, des visions prophétiques ou de chemins à prendre peuvent apparaître.
Les rêves peuvent aussi s’inscrire dans le cadre d’une initiation. Le futur chamane acquiert ses pouvoirs et savoirs via les épreuves que son âme devra traverser pendant les rêves.

L’attrape-rêve amérindien protège le rêveur pendant son sommeil. Il filtre les mauvais rêves et permet aux rêves utiles de subsister.
Les plumes permettent de laisser glisser les rêves jusqu’au dormeur.
Se rappeler de ses rêves
Avant même d’envisager de tenter de les comprendre, il convient déjà de s’en souvenir… Ce n'est pas évident pour bon nombre de personnes.
Pour cela, une des clés est d’y porter attention. S’endormir en se disant que l’on va essayer de se rappeler de ses rêves, se réveiller en cherchant d’emblée une impression, une image (en restant dans la position dans laquelle on est en se réveillant) – et tout de suite la noter, même si elle paraît insignifiante et que l’on ne voit pas comment elle pourrait nous servir. En agissant ainsi, on muscle notre attention à l’activité onirique, et c’est ainsi que l’on pourra de plus en plus se souvenir de ses songes.
On peut avoir un carnet dédié.
Il est aussi recommandé de ne pas se réveiller brusquement en sautant immédiatement du lit pour commencer son activité diurne. Une alarme pour se réveiller n’est pas favorisante pour se souvenir de ses rêves. Il vaut mieux un réveil progressif – le réveil naturel est bien sûr le meilleur, mais lorsque ce n’est pas possible, un réveil de type simulateur d’aube est préférable à une musique soudaine qui vous tire des bras de Morphée.

L’interprétation des rêves
Le rêve utilise des images codées qui demandent à être élucidées. Comme tout produit de l’inconscient, il s’exprime via des symboles.
Nous pouvons vivre sans nous rappeler de nos rêves, sans chercher à les comprendre. Beaucoup de gens sont dans cette situation. Mais ce serait dommage de ne pas se pencher sur cette activité psychique qui est infiniment riche d’enseignements. Les rêves permettent de mieux nous connaître, savoir qui nous sommes et ce que nous sommes en train de devenir. Ils peuvent aussi être messagers de ressources insoupçonnées qui dorment en nous. Des difficultés peuvent être éclairées, solutionnées via l’activité onirique.
Mais pour approcher leur compréhension, il va falloir décrypter les symboles dont ils sont truffés. C’est là la difficulté principale, mais aussi le côté intéressant, fascinant, étonnant des songes.
Un même symbole n’a pas forcément le même sens d’un individu à l’autre, et même d’un rêve à l’autre pour la même personne. En cela, les livres et autres manuels vantant leur pouvoir de nous donner la clé des songes nous sont généralement d’une piètre aide. Les interprétations se doivent d’être individuelles ; leur sens dépend du contexte et de la vie du rêveur.
Le thérapeute peut aider, peut proposer une interprétation possible, en fonction de ce que dit le patient de ce que tel ou tel élément onirique lui suggère. C’est le rêveur lui-même qui valide ou pas l’interprétation en fonction de ce qu’il en ressent, si "ça lui parle" ou pas.
De plus, je pense que, de même qu’un symbole peut représenter plusieurs choses en même temps, un même rêve peut aussi être compris à différents niveaux.
En cela, un échange avec plusieurs personnes autour du rêve de l’une d’entre elles est toujours particulièrement riche. Cela peut être difficile pour nous, dans notre culture, d’admettre qu’il n’y a pas une vérité unique, mais c’est à cela que nous amène ce genre d’échanges (que l’on peut vivre en famille, avec des amis, ou lors de groupes thérapeutiques). Ce sont les différentes visions du rêve raconté qui nous aident sur notre chemin.

Rêver est une richesse. Ne nous en privons pas !
Luce Barrault
Mars 2023
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